En dehors de toute raison taxonomique et technique, ce que l’on ne dit jamais, c’est que beaucoup de ces bandes dessinées sont des chefs-d’œuvre. Les œuvres qui se sont hissées au sommet des palmarès grâce à leurs rééditions, comme Slam dunk, Dragon Ball (l’original, pas le « Super ») ou à leur publication continue, comme Attack of the Giants ou One Piece, sont à tous égards des œuvres bien plus importantes que la plupart des romans qu’elles ont remplacés.
Bien sûr, il existe aussi des œuvres moyennes, signées par d’honnêtes artisans de l’écriture (bien que doués pour le dessin) comme My hero academia ou Demon Slayer, mais l’existence des premières est indissociable de celle des secondes.
Les mangas sont les véritables feuilletons d’aujourd’hui
Non seulement parce qu’ils sont sérialisés, mais aussi en raison de caractéristiques narratologiques spécifiques : par exemple, la récurrence de certaines formes et de certains « dispositifs », les chefs-d’œuvre émergeant périodiquement d’une mer de productions moyennes constamment mises sur le marché par une industrie qui fonctionne très différemment de la bande dessinée occidentale.
Les mangaka (c’est-à-dire les auteurs de bandes dessinées japonaises) travaillent dès le début avec un éditeur et une équipe d’assistants fournis par la maison d’édition, dans le but de créer un produit sériel qui plaise au public et se prête, dans le meilleur des cas, à devenir une franchise comme les différents Dragon ball, Naruto ou One Piece, dont les émanations, séries de dessins animés, films, jeux vidéo et jeux de cartes, sont aujourd’hui innombrables et à découvrir sur papadustream V2
La BD japonaise et ses relations avec les éditeurs
La bande dessinée ne sort pas immédiatement en tankÅbon, c’est-à-dire en petits volumes, mais trouve son premier test dans la publication dans des magazines-conteneurs, le plus célèbre étant ShÅnen Jump, par tranches d’une vingtaine de pages en concurrence directe avec les autres titres. Chaque semaine, les lecteurs votent pour leurs favoris à travers des formulaires spécifiques : ceux qui sont plébiscités continueront à être publiés et les les perdants sont invités par les éditeurs à trouver des rebondissements narratifs.
C’est ce qui explique, par exemple, le curieux mélange d’humour, d’aventure et de combat dans le premier Dragon Ball : l’auteur Toriyama voulait faire un manga humoristico-aventureux, mais à chaque fois qu’il s’engageait dans cette voie, la popularité chutait et les éditeurs l’incitaient à mettre en place d’autres combats, plus appréciés par le public. Ceux qui ont finalement végété en bas du classement pendant plusieurs semaines d’affilée ont été priés de trouver une conclusion rapide à leur travail et ont été retirés.
L’évolution des grands chefs d’œuvre du manga
Un système dur, plein de distorsions. À ce problème des bandes dessinées contraintes de fermer prématurément s’ajoute celui, inverse, des bandes dessinées ruinées par la contrainte de continuer : Dragon ball et Naruto en sont eux-mêmes des exemples : chefs-d’œuvre dans la première phase de leur vie, ils se sont ensuite égarés, soit:
• à cause d’une répétition constante
• à cause de la trahison de leurs fondements narratifs
• ou encore à cause d’un succès qui a contraint les auteurs à aller jusqu’au bout de l’aventure.
Ceux qui souhaitent approfondir ces mécanismes trouveront un manga qui les raconte en détail : Bakuman de ÅŒba & Obata (les mêmes auteurs de ce Death Note qui est récemment arrivé dans les charts avec sa réédition) explique le fonctionnement de l’industrie japonaise de la bande dessinée, mais aussi sa capacité, grâce à un système aussi structuré, à continuer à produire des œuvres capables de frapper une corde décisive dans l’imaginaire mondial.